Hier n'est pas encore oublié
J'ai peut être pris un coup de soleil en écrivant cette newsletter, parce que je dévoile un peu trop
Je me sentais moche ce jour là. Plus que d’habitude en tout cas. Cette photo date-t-elle hier? non de 2019. Je ne sais plus ce qui est arrivé à ce teeshirt. J’avais enchainé mauvaises nuits sur mauvaises nuits, disputes idiotes et importantes. J’étais tendue comme un arc ou string. Je sentais qu’il se passait quelque chose d’important mais c’était long. Infiniment long. Et je n’ai jamais été patiente.
Je m’inquiétais de tout mais peu de l’essentiel. Mais quel est l’essentiel ? Ma mère dirait la santé. Il y a dix ans j’aurais dit l’amour. Il y a quinze ans (oui je ne suis pas jeune 😏), j’aurais dit le travail.
Aujourd’hui, je dirai le mental.
Est ce que c’est le signe ultime de l’âge, de ma condition d’entrepreneur, de mère ? Je pense que c’est surtout l’aspérité de la difficulté. Car si Nietzsch a écrit dessus autant c’est parce qu’il vivait avec la maladie, avec le retrait social, avec le côté outsider. Je suis loin de me rapprocher de son courant de pensée et encore moins à me comparer mais j’observe que ceux qui en témoignent le plus sont souvent ceux qui ont été le plus dans la merde. Oui il n’y a pas d’autres mots pour décrire :).
J’ai interviewé une centaine de personnes (sinon plus) et il y a deux types de personnes : il y a ceux qui ont besoin des autres pour tenir et il y a ceux qui alimentent leur force tous seuls (grâce à la foi, à la philosophie ou autre).
Mais revenons à cette photo.
J’étais avec ma soeur ce jour là, sache qu’elle n’est pas du genre à prendre les gants pour répondre à quelconque requête. Et alors que je commençais à raconter “tout ce qui n’allait pas”, elle m’a répondu “ben alors qu’attends tu ?”. J’étais figée, pour la première fois de ma vie depuis des mois, je ne me sentais plus “capable”. J’avais honte, je me sentais nulle, pas à la hauteur. Ma soeur a eu plus tôt que moi à faire face à des échecs. J’en ai eu bien sûr. Mais moins importants et plus tard. Donc elle m’a regardé avec cette placidité, cette confiance « t’inquiète tu en sortiras » avec ce flegme… cela été le début d’une reprise en main. C’était douloureux certes. Elle ne m’avait pas dit que cela n’allait rien me coûter. Elle m’a juste rappelé que je pouvais le faire. Elle a relevé la tête “Par contre, pourquoi tu prends plus soin de toi, attends je te prends en photo”. Et voilà comment mes cernes ont été immortalisées.
Oui on est drôle dans la famille Soubai. Le genre d’humour sarcastique, décapant, qu’on sait chaleureux même dans la dureté. Celui qui renforce finalement le mental, car on sait qu’on peut compter sur les autres. Sauf quand on a passé sa jeunesse à craindre d’être sans épaisseur, trop sensible et trop craintive.
Mais cela parait si futile. Si vain, dans le tourbillon de la maladie, à faire des blagues d’humour noir ou à rire aux grimace de notre fils comme si rien n’avait changé. On s’accroche à la rengaine de l’entourage médical que « le mental compte ». Alors pourquoi n’en parlons nous pas plus souvent ? Que le mental : se nourrit, se travaille, se discipline, coûte, consomme en énergie, nous grandit, nous apaise. Qu’il soit spirituel seulement ou pas.
Pourquoi est ce secret ? Ou gardé pour le tragique ? Pour les livres ou les films ?
Dans la vie réelle, les croisées des chemins existent.
Les branches de nos vies nous sont imposées ou choisies pour en faire quelque chose qui nous convient comme si le libre arbitre existait. Ce quelque chose, s’adoucit quand pour la raison de notre humanité, la sensation de progrès apparaît. Oui la fameuse zone verte de progrès.
Ah le progrès… comment je peux le mesurer aujourd’hui ? en sachant que cette femme sur la photo de 31 ans, se sent plus forte à 34 ans. Pas plus riche, pas plus belle, pas plus connue. Juste plus forte. Même quand le destin choisit de me tester. Puissance 1000. À côté 2019, 2020, 2021 paraissent de la rigolade.
Mais qui n’est pas testé chaque jour ?
C’est l’universalité de la vie écrit comme ça j’ai envie déjà de la supprimer cette phrase. Mais c’est peut être ce que j’ai détesté le plus en moi ce jour là, ce jour de la photo. Je pensais être spéciale, être forte mais en fait j’étais dans la moyenne de l’humanité.
C’est peut être cela, avoir du mental, la seule chose qui s’auto-décrète mais aussi la seule qui ne s’impose pas. Cela arrive quand on est prêt.
As tu été prête à faire le grand saut de ta foi en toi ?
Je te laisse me répondre en attendant ma prochaine chronique livresque et espérer que